Site Web cahier ── 書評・エッセー・研究レヴュー

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2008年9月8日 12時28分 [WEB担当]

2008年度春季大会ワークショップ1

WS

Enseigner la littérature ?

PARTICIPANTS

Midori OGAWA, Associate Prof., Université de Tsukuba, Doctoral Program in Literature and Linguistics

Asako TANIGUCHI, Chargée de cours titulaire, Université Dokkyo, Département de Langue française

Agnès DISSON, Professeur étranger, Université d'Osaka, Département de Littérature française

François BIZET, Maître de conférences, Université Aoyama Gakuin, Département de Langue et Littérature françaises

François BIZET

« Peut-on enseigner la littérature ? ». En 1975, Barthes répondait à cette question : « On ne peut enseigner que cela ». Il semble aujourd’hui impossible de répondre avec une confiance aussi entière : la mutation culturelle, dont les prémices ont été repérées dès les années soixante, connaît avec la diffusion fulgurante d’Internet, depuis une décennie, une ampleur nouvelle. Entre standardisation et massification, la littérature a de plus en plus de mal à tirer son épingle du jeu : crise de l’édition, crise de la lecture, désaffectation des études de Lettres — tout cela sur fond de morosité générale, à quoi on a donné récemment le nom de déclinisme.

Comment enseigner la littérature dans ce contexte nouveau ? Comment convaincre les étudiants que la lecture des textes n’est pas un combat d’arrière-garde ? Comment les amener à comprendre que la littérature est vivante ?

Les quatre intervenants de cet atelier sont tous persuadés qu’il est nécessaire :

1. de réduire, par tous les moyens possibles, la distance que l’institution universitaire impose spontanément entre les textes et leurs lecteurs. La monumentalité (A. Disson), la muséification (F. Bizet) de l’œuvre et de l’auteur ne peuvent qu’intimider davantage les étudiants japonais, dont la formation scolaire, de l’avis de tous, laisse peu de place à la lecture active, au contact direct avec la matérialité des textes.

2. De rajeunir le corpus des études de Lettres (A. Disson, M. Ogawa), non seulement afin d’échapper à l’image, bien ancrée chez les étudiants, d’une discipline « démodée », mais aussi afin de montrer que la littérature est un enjeu encore majeur de notre présent.

3. De décloisonner le cours de littérature en ouvrant le propos à d’autres matières (A. Taniguchi, M. Ogawa) : grammaire bien sûr, mais aussi histoire, géographie, cinéma, philosophie, musique, etc., de façon à connecter les textes sur d’autres réalités, sur le foisonnement des idées et des formes.

4. De considérer autrement le temps et l’espace du cours : non comme un lieu de pur et simple transvasement des savoirs, mais comme une scène prometteuse de saveurs, de révélations, de « déclics », où le corps retrouve aussi une place (A. Taniguchi, F. Bizet).

Les solutions à apporter à cette crise de l’enseignement littéraire sont nombreuses et témoignent de la pugnacité des professeurs (tous âges et expériences confondus), de leur volonté de transformer le cours en un véritable évènement. A. Disson et F. Bizet insistent pour leur part sur l’importance des outils d’analyse et des travaux d’écriture, capables selon eux d’amener les étudiants à considérer les œuvres du dedans, de façon participative, soit par observation (le texte comme fonctionnement) , soit par confrontation (le texte comme production). La nécessicité des travaux d’écriture, autres que la dissertation et le commentaire, est une idée largement partagée. Encore faut-il en préciser la nature : il ne s’agit pas de conduire les étudiants à écrire comme tel auteur ou tel autre, mais de leur faire découvrir, de l’intérieur d’une épreuve intime, les problèmes concrets auxquels font face les écrivains. Travail sur les formes donc, plutôt que sur les styles, en compagnie d’ailleurs, le plus souvent, d’écrivains pour qui la fabrication des formes relevait surtout du jeu (Perec, Tardieu, Ponge…).

Si M. Ogawa et A. Taniguchi, chacune à leur façon, approuvent cette approche, issue des leçons structuralistes, elles l’incluent aussi dans une problématique plus large, en ayant soin de ne pas porter ailleurs le phénomène de cloisonnement. C’est ainsi que M. Ogawa propose de penser une refonte des programmes et appelle à une collaboration des enseignants, tandis que A. Taniguchi se refuse à exclure quelque approche que ce soit, fût-elle héritée du très critiqué positivisme, dont il vaut mieux, selon elle, revisiter et adapter les postulats que définitivement les enterrer.

Il semble en effet préjudiciable à la littérature, à tout champ d’étude en général, de souscrire à une méthode exclusive et d’écarter les autres, et plus judicieux de faire feu de tout bois. Est-ce aujourd’hui une conclusion désabusée, voire cynique, que d’avancer qu’aucune méthode n’est incompatible avec une autre ? Tous au contraire sont d’accord pour affirmer le bien fondé d’une telle stratégie pédagogique. Le cours de littérature est une construction, à chaque fois différente, variant selon l’objet. A chaque objet littéraire l’enseignant se doit d’inventer une forme de cours nouvelle, une attaque inédite, de renouer aussi avec l’improvisation, montrant par là que le savoir sur une œuvre n’est pas depuis toujours gravé sur des tablettes qu’il faut exhumer à l’occasion, mais une matière vivante, en perpétuelle mutation.